les taux négatifs
De semaine en semaine, la France emprunte à taux négatifs:
Les taux négatifs sont une bonne affaire pour l’État, qui gagne en empruntant, mais a contrario c'est aussi une interrogation à propos de ceux qui perdent en prêtant, en fait les banques européennes.
Il faut savoir que les disponibilités des banques (hormis les billets en leur possession), leur argent donc - c’est-à-dire les sommes qui ne sont pas investies ou prêtées - sont obligatoirement déposées dans leur compte auprès de la BCE.
Or depuis quelques années, cette dernière pénalise les dépôts des banques avec un taux d’intérêt négatif. Pour être plus précis, ce n'est pas l'intégralité des disponibilités qui est concerné, mais la partie qui excède ce qu'on appelle les réserves obligatoires des banques.
La comparaison des taux montre qu’en prêtant à la France, les banques perdent un peu moins qu’en laissant leurs avoirs auprès de la BCE. Mais elles perdent quand même! Alors pourquoi? Pour comprendre, il faut faire un petit détour.
D’un mois à l’autre, la France a besoin d’une trentaine de milliards d’euros, ce qui n’est pas rien, même en considérant qu’une partie des emprunts français est placée en dehors de l’espace européen.
Les banques ont des disponibilités car les crédits à l’économie ont baissé en Europe, alors que les dépôts de la clientèle ont plutôt augmenté en raison de la baisse de la consommation. Toutefois le compte n’y est pas, les disponibilités des banques ont une autre origine.
La réponse se trouve la politique de rachat par la BCE de titres de dette souveraine détenus par les banques, depuis juillet 2016, ses achats des crédits. Cette composante-clé du quantitative easing, se traduit pour les banques par un paiement versé sur leur compte, … où il subit un taux d’intérêt négatif.
Une nouvelle interrogation surgit alors: pourquoi les banques acceptent-elles les offres de rachat de dette souveraine et de crédits aux entreprises de la BCE, puisque finalement l’opération a un coût ?
L’incitation vient tout simplement du bilan global des opérations.
Si les banques supportent effectivement un taux d’intérêt négatif pour leurs dépôts auprès de la BCE ou l’achat d’obligations françaises, elles gagnent plus, beaucoup plus, dans la vente de ces actifs, obligations d'État et crédits d'entreprise.
Cette vente génère en effet une marge proportionnelle à la différence entre le taux d’intérêt des crédits vendus et le taux proposé par la BCE, inférieur au précédent. Le facteur durée décuple la marge globale. Pour fixer les idées, si la BCE propose de racheter au taux de 1 % des obligations au taux facial de 2% sur dix ans, la banque touche 110% de la valeur de ces obligations dans ses comptes !
Une plus-value de 10% donc, immédiate et en cash.
Pour la banque, l'opération est évidemment très rentable: dix pour cent de revenu immédiat dont il faut retrancher un coût très faible, c'est-à-dire l'intérêt négatif payé à la BCE ou à l'État français (moins de 0.5%, annuellement il est vrai).
En fait, la banque peut recommencer l'opération pour une nouvelle tranche d'obligations, qu'elle revendra aussitôt à la BCE. Et ainsi de suite...
Il faut bien voir que cette opération ne coûte rien à la BCE, au contraire. Dans cet exemple, elle va gagner 1% d’intérêts au titre des obligations qu’elle a rachetées et dont, par ailleurs, les conditions ne changent pas pour les emprunteurs d’origine.
C’est surtout l’ensemble du dispositif qui est vertueux, doublement vertueux même.
D’un côté la BCE lutte contre la déflation par la création monétaire, et de l’autre elle permet aux banques de reconstituer leurs fonds propres grâce aux profits réalisés.
Tant que le dispositif perdure, naturellement. La BCE en est seule à décider, d’autant que confirmation lui a été donnée de l’orthodoxie du dispositif au regard des accords de Maastricht et des dispositions de la constitution allemande. L’institution mérite tous les honneurs.
MAJ 30/06/2019